Dossier Pu Er : à la rescousse des thés de Banzhang (Partie 5)

24 février 2018
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Dossier Pu Er
Avant même la sortie de notre livre sur le thé vert en 2012, nous avions débuté l’écriture d’un troisième livre sur les thés Pu Er. Comme le projet s’est transformé, nous sommes heureux de vous présenter le fruit de nos recherches sur le Pu Er sous la forme d'articles de blogue en plusieurs parties. 
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Banzhang est reconnu aujourd’hui comme un terroir d’exception. La qualité des thés qu’on y produit a créé un engouement qui, au cours des années 2000, a fait grimper les prix en flèche. La petite histoire de cette ascension fulgurante illustre bien les problèmes reliés à la bulle spéculative du marché du Pu Er et à son éclatement.
En 2006, M. Chen Sheng He, homme d’affaire chinois, acheteur et amateur de thé, fait le voyage jusqu’à Banzhang. Ce n’est pas la première fois qu’on y voit débarquer un acheteur sérieux, mais celui-ci offre 280 RMB (45 USD) le kilo pour trois tonnes de thé, ce qui, pour les villageois, est complétement extravagant.
L’année suivante, M. Sheng He revient au village.
Cette fois, il offre 900 RMB (144 USD) le kilo, trois fois le prix de l’année précédente. Les villageois, estomaqués par une telle offre, voulant comprendre les raisons de cette flambée des prix, envoient des représentants dans la province du Guangdong afin d’analyser le marché du Pu Er. Ceux-ci découvrent avec étonnement qu’il y a une sélection de Banzhang dans pratiquement toutes les boutiques de thé. D’après leurs estimations, alors que seulement 50 tonnes de thé sont produites au village annuellement, environ 5000 tonnes de thé semblent provenir de Banzhang. Il y a évidemment de la contre façon. Choqués par cette situation, et par les dangers qui peuvent en découler, ils reviennent au village et forment une association pour tenter de résoudre ce problème. Entre temps, les nombreux acheteurs qui passent à Banzhang, se battant littéralement pour l’achat de thé, font augmenter le prix au kilo jusqu’à 1800 RMB (289 USD)!
Rapidement, tous les artisans reconnaissent l’impact négatif que pourrait avoir le phénomène de contre façon sur leur village. La réputation du thé de Banzhang risque d’être lourdement entachée. Un groupe de villageois est donc mandaté pour effectuer un contrôle sur chaque véhicule à l’entrée du village, mais bloquer la route n’est pas suffisant pour régler le problème. Sauvegarder la réputation de ce terroir est une tâche de plus grande envergure.
Séduit par le goût unique du thé de ce terroir, M. Sheng He cherche un moyen de participer à la sauvegarde du thé de Banzhang. En 2008, alors que la bulle spéculative explose, faisant chuter le prix du maocha de 1700 RMB (272 USD) à 400 RMB (64 USD) le kilo, il commence à discuter d’un plan de relance avec les villageois. Afin d’aider la petite centaine de familles productrices de thé, celui-ci rachète, en collaboration avec le gouvernement, la presque totalité du maocha produit à Banzhang pour l’année 2008. Le goût exceptionnel de ce terroir convainc ces hommes d’affaires que le thé de Banzhang mérite des mesures exceptionnelles pour sa sauvegarde.
Désirant d’abord résoudre le problème de l’accessibilité au village, M. Sheng He finance personnellement la construction d’une nouvelle route menant à Banzhang. Il doit ensuite voir au problème de falsification du thé, car certains paysans importent les récoltes de jardins extérieurs pour les mélanger aux leurs. Aussi, en 2010, dans le but d’améliorer la qualité du produit, il fait construire au village une fabrique pour transformer les feuilles fraîches en maocha.
Ces investissements, aujourd’hui très utiles au développement de cette petite communauté, permettent de préserver les qualités d’un rare terroir. Si d’autres montagnes connaissent depuis un prestige égal à Banzhang, souhaitons qu’à son image, elles en conservent l’authenticité.

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