Rapport de printemps à Darjeeling

5 août 2014
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Les mois précédant les premières récoltes à Darjeeling cette année semblaient prometteurs: le climat était ensoleillé avec des précipitations passagères. Les premiers rayons de soleil du printemps précoce réchauffaient les jardins de thé engourdis par l'hiver qui, lentement, mais sûrement amorçaient leur cycle de croissance. Tous les espoirs étaient permis et on prévoyait une bonne saison.  Puis, le mercure s'est mis à stagner soudainement à des températures sous les normales avec des nuits exceptionnellement froides. Les nuages, installés en permanence, tout en n’apportant pas la pluie escomptée, réduisaient aussi les précieuses heures de soleil, essentielles pour déclencher la croissance des théiers.

À mon arrivée à Kolkata à la fin du mois de mars, l'atmosphère était lourde et on parlait déjà d’une mauvaise saison, celle-ci ne débutant simplement pas. Les plants ont sommeillé ainsi deux pénibles semaines supplémentaires à ce moment crucial de l’année. Cela faisait déjà quelques années que les conditions climatiques idéales n'étaient pas au rendez-vous en Inde et j'en étais venu à craindre une année comme celle-ci. Elle était maintenant sous mes yeux.

En parcourant les sommets, chaque jardin faisait état d’une production réduite, variant de 33 % à 50 % de leur rendement habituel. Lorsque le réchauffement est enfin arrivé à la mi-avril, il n’y avait toujours pas de pluie, on ne pouvait alors plus parler d’un simple retard de deux semaines. Les jardins munis d’un système d’irrigation s'en sortaient généralement bien, pourvu que leurs sources n’aient pas été asséchées. Les plantes dans la plupart des jardins retournèrent prématurément en « banji » (dormance) afin de minimiser leurs dommages et sauvegarder leurs ressources. Outre la production moindre, la qualité dans la plupart des jardins était aussi bien inférieure à la normale. Ma cote de qualité pour la saison fut autour de 6 sur 10. Quelques rares producteurs, plus sensibles aux conditions des feuilles fraîches arrivant à la fabrique et ayant appris des dernières années, ont été capables d’adapter leurs techniques de transformation afin de créer de bons thés. Dans certains cas, le facteur de stress inhabituel dans les champs résulta en des thés exceptionnels, aux profils gustatifs inusités. Ce ne sont malgré tout que de bien minces consolations face à l’impact économique d’une année aux gains si misérables.

En des temps comme ceux-ci, à travers 20 ans de réseautage, les acquis d’expertise de dégustation et d’achat deviennent des outils essentiels pour dénicher les précieux joyaux des premières récoltes de l’Himalaya. Je suis heureux de dire que nous avons, malgré cette saison difficile, une sélection autant excellente que diversifiée de Darjeeling classiques et clonaux.

Kevin

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