Dossier Pu Er : feuilles et théiers (Partie 7)

15 mars 2018
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Dossier Pu Er
Avant même la sortie de notre livre sur le thé vert en 2012, nous avions débuté l’écriture d’un troisième livre sur les thés Pu Er. Comme le projet s’est transformé, nous sommes heureux de vous présenter le fruit de nos recherches sur le Pu Er sous la forme d'articles de blogue en plusieurs parties. 
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La première apparition d’un camellia sinensis, le théier, dans le règne végétal a longtemps été discutée par les biologistes. Étant donné qu’on retrouve à l’état naturel deux variétés principales de théier, le camellia sinensis var. sinensis et le camellia sinensis var. assamica, les premières hypothèses avançaient une probable origine double. Or, de récentes recherches botaniques démontrent aujourd’hui qu’avant de se multiplier et d’offrir de nombreuses variétés, il y a bel et bien eu une variété originelle et celle-ci aurait évolué dans le sud de la Chine, dans les forêts primitives de l’actuelle province du Yunnan. Dans cette région fertile et luxuriante, le long du fleuve Lancang (Mékong) plus précisément, ont été recensés les plus vieux théiers découverts à ce jour. Ils appartiennent tous à la variété assamica, aussi nommée Da Ye.

Le Da Ye

Avec la découverte de vieux spécimens appartenant à la variété Da Ye, on reconnaît aujourd’hui que cette variété est l’une des premières à avoir été cultivée. On la retrouve essentiellement dans la province du Yunnan, où plus d’une vingtaine de districts en font la culture pour produire spécifiquement du thé Pu Er. En suivant son parcours évolutif sur plusieurs centaines d’années, cette variété a connu une migration, principalement du centre vers la côte est de la Chine, mais aussi vers l’ouest, car elle a aussi été découverte dans la région d’Assam, au nord de l’Inde. De cette migration sont nées de nouvelles variétés, comme la sinensis ou la cambodiensis. Le Da Ye se distingue par ses grandes feuilles épaisses. Celles-ci possèdent un caractère rustique qui offre des thés charpentés assez fort en tannins. Traditionnellement utilisée pour la production de thé Pu Er, cette variété possède certains avantages sur la variété sinensis, l’autre principale variété de théier. Ces larges feuilles ont une teneur en polyphénols de 5 à 7% plus haute, une teneur en catéchines de 30 à 60% plus forte, et de 3 à 5% de plus de substances hydrosolubles.

Le Xiao Ye

Dans certaines zones, telles Yiban, il se produit également du Pu Er avec une variété « à petites feuilles », le Xiao Ye, mais son utilisation est moins fréquente.

La culture du théier comporte d’innombrables subtilités qui font varier les arômes et saveurs du thé. Pour la production de thés vieillis, cette diversité est d’autant plus remarquable qu’elle fait intervenir des arbres parfois plusieurs fois centenaires, sauvages ou de culture.

Ye Sheng (Théier sauvage)

Un Ye Sheng est un théier qui n’a pas été planté par l’homme et qui s’est développé sans son aide. Ce sont généralement des groupes ethniques, comme les Bulang ou les Hani, qui s’occupent de sa récolte. Les véritables Ye Sheng, ou théiers sauvages, sont donc assez rares et, par conséquent, très peu de Pu Er sont produit à partir de leurs feuilles. La hauteur de ces théiers géants ne facilite pas les choses en rendant la cueillette difficile et dangereuse. Pour avoir accès aux feuilles, les paysans doivent y grimper et risquer des chutes malencontreuses. Pendant longtemps, en raison de rendements faibles et d’une cueillette pénible, les paysans n’y ont pas vu de véritables bénéfices. Maintenant que la demande est forte et que les prix pour ces précieuses feuilles connaissent une augmentation sans précédent, le goût unique des théiers sauvages est de plus en plus recherché.

Lao Cha Shu (Vieux théiers)

Les feuilles servant à la production de Pu Er proviennent généralement de jardins plantés et exploités par l’homme. Ceux nommés Lao Cha Shu, ou vieux théiers, ont habituellement plus d’une centaine d’années. Ce sont, pour la plupart, des théiers de culture plantés vers la fin de la dynastie Qing (1644-1912), laissés à eux-mêmes pendant plusieurs années, n’ayant bénéficier d’aucune taille ou entretien. L’intérêt nouveau pour leurs feuilles a encouragé la relance de leur exploitation. Dans les vieilles plantations, situées généralement entre 1200 m et 2000 m d’altitude, tout près des villages, on sent s’opérer une certaine magie. Les zones de culture sont plutôt clairsemées, plusieurs mètres séparent chaque arbre. Ceux-ci, grands et tortueux, à l’écorce blanchâtre, semblent avoir chacun leur personnalité. L’impression qu’ils nous donnent est celle d’un retour à une plantation originelle. Pour la production de Pu Er, la maturité des arbres est un avantage. Leurs profondes racines leur permettent de puiser dans le sol des minéraux qui vont changer la composition des feuilles de thé. L’astringence s’en trouve accrue et c’est une bonne chose pour ce genre de thé qui, après vieillissement, aura besoin de caractère pour structurer la liqueur.

Gu shu (Gros théiers)

Favorisés par un climat tempéré, humide, un sol riche, les Gu Shu ont profité de conditions exceptionnelles pour croître rapidement. Ils ne sont pas nécessairement plus âgés que des Lao Cha Shu, mais assurément plus gros.

Sen dai (Théiers plantés, mais sans entretien)

On nomme Sen dai un théier, souvent jeune, appartenant à une plantation laissée au naturel pendant plusieurs années et dans laquelle est pratiquée la replantation entre les théiers.

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