Le Roji, un lieu de passage

31 août 2020
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Roji est le nom donné au chemin composé de pierres naturelles qui mène au chashitsu, le pavillon de thé. Avant de participer à une cérémonie, les invités empruntent le roji qui les conduit dans différentes sections du jardin attenant au chashitsu. Au cours des siècles, plusieurs maîtres de thé en ont élaboré différents aspects, jusqu’à ce que Sen No Rikyū (1522-1591) y apporte une dimension spirituelle.

Rikyū imagina le roji comme un lieu de passage, le dernier espace à franchir avant d’accéder au pavillon de thé. Le roji devait donc être une étape préparatoire à la cérémonie, où régnait l’esprit du thé. Expérience méditative empreinte de sérénité, la traversée du roji devait être une transition entre la vie quotidienne et le monde spirituel. Pour Okakuro Kakuzo, auteur de l’incontournable Livre du thé, « traverser le roji, c’est rompre tout lien avec le monde du dehors et découvrir une sensation de fraîcheur préparant à la jouissance esthétique de la chambre de thé elle-même».



Vers la fin du XVIe siècle, d’autres maîtres de thé, tel Furuta Oribe, ont apporté une nouvelle dimension au roji. En plus de créer des effets d’optique pour faire paraître le jardin plus vaste, Oribe divisa le roji en deux sections: le roji extérieur (sotoroji), correspondant à la zone d’entrée, et le roji intérieur (uchiroji). La porte qui sépare ces deux sections symbolise la frontière entre les mondes profane et sacré.

Idéalement, le jardin doit évoquer la beauté pure et sobre de la nature. L’invité qui suit le roji jusqu’au chashitsu doit avoir l’impression de découvrir une humble chaumière. Plusieurs éléments sont alors mis à contribution.

TOBI-ISHI
Le roji est composé de pierres, tobi-ishi ou «pierres volantes », disposées selon un code très précis. Elles doivent guider les pas de l’invité à travers le jardin. À l’origine, elles permettaient aussi aux visiteurs de parcourir le jardin sans se salir. Aujourd’hui, leurs différentes formes et tailles dirigent «naturellement » l’invité. Les petites pierres, par exemple, ralentissent sa marche et détournent son attention. Les pierres plus larges marquent un point propice à l’observation du jardin ou incitent l’invité à s’arrêter. La disposition de ces pierres rythme ainsi la marche jusqu’au chashitsu. Lors des chaudes journées d’été, on arrose parfois ces pierres pour rafraîchir le jardin.


TSUKUBAI
Autre élément essentiel qui compose le roji, le tsukubai est une vasque destinée aux ablutions précédant la cérémonie du thé. On s’y purifie les mains et la bouche. Souvent placé au ras du sol, le tsukubai force les invités à s’accroupir. On peut y trouver une louche de bambou. Les pierres entourant le tsukubai ont chacune une fonction spécifique, selon leur emplacement.

TÔRÔ
Utilisées pour les cérémonies qui ont lieu en soirée, les tôrô sont des lanternes en pierre, à la fois pratiques et esthétiques. On les trouve souvent près du tsukubai ou du chashitsu, où elles éclairent les pas des visiteurs.

J’ai regardé au-delà:
point de fleurs
ni de feuilles colorées.
Sur la plage se dresse une cabane solitaire
dans la lumière défaillante
d’un soir d’automne.

Ancienne chanson japonaise qui, aux yeux de Sen No Rikyū, renferme le secret de l’élaboration d’un roji. L’aménagement du roji incite le visiteur à prendre conscience de lui-même et de son environnement. En l’amenant à « regarder au-delà » des choses, le roji lui permet d’oublier les préoccupations quotidiennes pour atteindre la sérénité nécessaire à la cérémonie du thé.


- Contenu tiré du livre Thé vert, À la rencontre d'un art millénaire

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